Wednesday, November 30, 2005

En métropole, des Antillais attristés et solidaires

Reportage dans la communauté antillaise de Saint-Denis qui tient à s’associer à la douleur des familles.
« C’est ma femme qui m’a téléphoné au travail pour me dire qu’un accident venait d’arriver », explique Jorge, un commerçant martiniquais resté proche de sa diaspora et qui excelle dans la préparation de « bosquittes » et autres sandwichs antillais. Lorsqu’il a appris la nouvelle, il a cru que c’était un avion parti de France pour la Martinique qui s’était crashé. Ce n’est qu’après qu’il a eu vent de l’horrible scénario. « J’ai pleuré, alors », dit-il. « C’est très dur pour nos compatriotes. » Relater les faits inscrit à nouveau sur son visage la douleur. Celle d’imaginer les cent soixante et un corps parmi les restes abîmés de l’avion. Il a pensé se renseigner sur les possibilités d’envoyer de l’argent afin d’aider les familles. Pour mettre « un petit quelque chose » à leur disposition. Pour les enfants qui se retrouvent orphelins et les familles qui disparaissent. « Parmi les victimes, il n’y a personne que je connais. Mais quand il s’agit d’un accident pareil, ça doit toucher le monde entier. Qu’on soit noir, blanc ou jaune. » Une croyance que partage aussi Lucienne, une Guadeloupéenne. « En ce moment, dit-elle, il y a beaucoup d’accidents d’avions. Souvent, on croit que ça ne va pas frapper à notre porte. Et puis ça arrive. Pour nous aussi. Je ne suis pas de la Martinique, mais je suis de la communauté antillaise. Cet accident m’a vraiment touchée. Je partage la douleur des familles. »
Être antillais résidant en métropole n’empêche pas de ressentir la douleur. Dans le pays d’où l’on vient, on n’est jamais très loin de l’autre. Habiter le Robert, c’est n’être qu’à quelques kilomètres du François. Une autre commune. À défaut de connaître des visages, les noms, eux, sont connus. Et quand arrive l’accident, on se rappelle de la famille Untel qu’on connaissait de nom. Pour Marie-José, originaire de la Guadeloupe, cet accident est évidemment « dramatique ». La jeune femme se dit « choquée » et entièrement concernée par cette catastrophe. Malheureusement, ajoute-t-elle « on ne peut pas faire grand-chose ».
Camille, lui, est martiniquais. Il a l’âge des papys qui regardent pousser leurs petits-enfants. « Cela fait très longtemps que je suis en métropole, raconte-t-il. Très longtemps aussi que je ne suis pas retourné aux Antilles. Mais ça ne m’empêche pas d’être touché par la mort de tous ces gens. C’est très dur. » Et Camille de hocher la tête, s’en retournant, traînant sa douleur de « vieil Antillais » rattrapé par un coup du sort touchant sa communauté. Raymonde est martiniquaise. Avec Fabienne, elle aussi originaire de l’île, elles tiennent une agence de voyages. Les deux jeunes femmes se demandent « ce qui se passe ». « C’est le quatrième accident d’avion en quelques semaines », constate Raymonde, qui ajoute que « c’est toujours après qu’on apprend que l’avion avait un problème. On ne vous dit rien. L’avion s’en va, tranquille, et après on vous dit qu’il y a eu un contrôle, que tout était OK, et subitement il y a un souci. Du coup, on se demande si les contrôles sont bien faits ». Pour Fabienne, « ctoute la Martinique qui est en deuil » après cet accident. La maman qu’elle est conseille à tous les Martiniquais de « bien entourer et soutenir les familles en souffrance ».
Fernand Nouvet

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